Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3
238 APPENDICE.
I ne sera pas inutile d’examiner ici quelle était alore la disposition des esprits, et de jeter un coup-d’œil sur l’état de la France.
Cette belle contrée ressemblait, sous quelques rapports, à l'Italie an moment où Auguste succéda aux factions qui avaient si long-temps désolé l'empire. Toutes les classes de Ja société, tout le corps politique éprouvaient cette espèce de fatigue que laissent après elles les discordes civiles. Les royalistes se félicitaient du premier pas fait vers la dissolation de la république; les hommes nouveaux dont la révolution avait créé la fortune, préféraient la sûreté du présent aux dangers du passé , à l'incertitude de l'avenir , et espéraient trouver dans un gouvernement plus concentré, un abri contre les secousses de l’état démocratique et la garantie de tous les avantages qu'ils s'étaient procurés; les autres qui attendaient des richesses et des honneurs pour prix de leur obéissance, se précipitaient au-devant de la servitude. Il était aussi un certain nombre d'hommes de bonne foi qui, convaincus des vices de la constitution de l’an 3 ; ct persuadés que la France ne pouvait prospérer qu'avec un pouvoir exécutif plus rapproché des formes de la monarChie, espéraient trouver dans Bonaparte le grand homme capable d’en imposer aux ennemis, du dedans et à ceux du dehors par l'éclat de sa renommée, et voyaient dans ses succès récens le présage deda dissolution prochaine de la coalition qui menaçait de toutes parts la patrie, tandis que les institutions politiques s’asséyeraient sur des bases raisonnables et se débarrasseraient de la rouille révolutionnaire. De lantre côté, l’armée , dont Bonaparte a toujours fait le principal instrument de sa grandeur , applaudissait en partie à celui qu’elle avait compté naguères dansses rangs. Quelques généraux peut-être voyaient avec jalousie un de leurs égaux concentrer en lui l'autorité nationale ; mais les soldats qui, rarement savent nourrir un esprit de parti et ne combattent point pour une seule chose, mais pour une seule personne, lui étaient presque tous favorables etse réjouissaient de ce que le gouvernement serait dans l’armée. Enfin les provinces ne répugnaient pas à ce nouvel ordre de choses , parce qu’elles redoutaient les querelles de ceux qui se disputaient le pouvoir et l’insatiable cupidité des chefs qui, toujours près d'une chute , se hätaient de dévorer un règne d'un moment.
Bonaparte avait dit que le magistrat suprême ne devait être qu'un négociateur perpétuel. Sa conduite fut presque toujours depuis en opposition avec cette maxime; néanmoins pour cette fois ,il se montra conséquent. Les négociations avec la cour de Vienne restèrent ensevelies sous le voile