Rouget de Lisle : sa vie, ses œuvres, la Marseillaise

— 1926 —

destruction de la République? Le premier pas vers la dissolution de l’Empire.

« Ce Jules César si grand, si débonnaire, que fut-il? Le promoteur du proseripteur Octave.

« Auguste vieillissant, que fut-il? Le précurseur de Tibère.

« En vous accordant les qualités, la fortune, la longévité de César et d’Auguste réunis, quelle garantie laisseriez-vous au monde, contre cette foule de monstres auxquels ils ouvrirent la carrière ?

« Et si, chose qui ne paraît que trop vraisemblable, aux contemporains des Carrier, des Joseph Lebon, de Robespierre, Marat, Charette, Bernier et tant d’autres, si après avoir Found un César, la fatalité lui donpait pour successeurs des Caligula, des Néron, des Commode, des Héliogabale, de quel œil pensez-vous que la postérité vous contemplàt, vous qui, pour régner quelques instants, l’eussiez dévouée à ces épouvantables fléaux du genre humain? De quel nom pensez-vous que la postérité vous nommât, vous, qui, ayant reçu de votre patrie le dépôt sacré de ses droits, de ses espérances, de sa liberté, vous, qui, pouvant fonder sur les bases les plus magnifiques de l’ordre social le bonheur d’une grande nation aussi douce que brave, aussi confiante que spirituelle, aussi généreuse que puissante, eussiez préféré pour régner quelques instants, de la replonger dans l’abime d’une servitude indéfinie, et de la léguer pour tout le reste de sa durée à ces caprices sanglants, à ces fureurs insensées, compagnes inséparables du despotisme et de la chute des Etats.

« Bonaparte! ce n’est point là ce que nous attendions de toi, lorsque nous te laissàmes consommer ce dix-huit brumaire qui, selon tes promesses solennelles, devait être l’aurore de la paix et de la liberté.