Rouget de Lisle : sa vie, ses œuvres, la Marseillaise

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« Bonaparte ! ce ne fut point pour devenir ton palrimoine qu’à cette époque la France se jeta dans tes bras : ce ne fut point pour épouser le fantôme insidieux et dérisoire d’une Constitution organiquement dissoute épudia le squelette fangeux de la Chartre direc-

qu'elle r la domination d’un seul

toriale : ce ne fut point pour qu'elle abjura la tyrannie des Cinq.

« Bonaparte! vous vous perdez! quel que soit votre plan, il vous égare : quels que soient vos projets, ils vous traînent à une catastrophe d'autant plus humiliante qu’elle sera plus fameuse, d'autant plus terrible qu’elle sera méritée.

« Ce langage est sévère. Il révoltera vos oreilles incessamment caressées par la flatterie : ilirritera votre âme imprégnée des philtres empoisonnés de l’adulation.

« Il n’en porte pas moins avec lui son apologie : car enfin vous le tenir ce langage, c’est vous supposer Le courage de l’entendre et, certes, une pareille hypothèse n’est celle ni de la haine ni d’un esprit vulgaire.

« Quant à moi, citoyen consul, j'ai rempli la lâche que je me suis constamment imposée depuis la Révolution, celle d’un homme que l'amour de son pays élève au-dessus de toutes les considérations et de tous les calculs; d’un homme qui sent profondément que nos devoirs sont indépendants des conjectures où nous avons à les remplir, et qui s’en fait un de vous présenter le miroir de la vérité, parce que s’il dessillait vos yeux, vous seriez, plus que tout autre, à même de réaliser le peu de chances qui restent encore au salut de la République.

« Salut et respect, « J. ROUGET DE LISLE. »

Paris, 19 pluviôse an 12.

On comprendra facilement que tout était rompu. Bona-