Rouget de Lisle : sa vie, ses œuvres, la Marseillaise

ï

— 138 —

Dans toutes les villes de France, les mécontents des excès du despotisme impérial se réunissaient, le plus souvent dans un café, pour s’y tenir au courant des événements extraordinaires de cette époque. Tout le monde ne se laissait pas prendre aux gluaux de la gloire si chèrement payée par les hécatombes humaines. Rouget était de ceux-là. Ce n’était plus avec la màle énergie dun peuple qui défend sa liberté qu’on allait aux combats comme au temps de la République, mais avec la douleur de soutenir un ambitieux despote qui nous privait des libertés conquises.

Lons-le-Saulnier avait son café frondeur de l'Empire comme toutes les villes un peu imporfantes. Rouget en était un des habitués. Il y fut témoin, en 1814, de scènes d’une violence extrème que nous allons raconter. Mais auparavant qu'il nous soit permis de faire une digression sur le caractère des deux poètes nationaux, Rouget de Lisle et Béranger, qui ne se connaissaient pas encore el qui, plus tard, sont devenus de sincères et dévoués amis, comme nous l'avons déjà signalé dans les pages qui précèdent. Vingt ans de différence d'âge existaient entre Rouget de Lisle et Béranger, l’un né en 1780, l’autre en 1760. À l’époque de l’histoire que nous traversons, Béranger était à peine connu. Ses premières chansons datent de 1812. Toutes empreintes de l’esprit gaulois, ellés étaient des leçons données avec une fine raillerie qui les laissait passer sans trop offusquer Madame Anastasie la Censure ; dureste, elles couraient manuscrites. Le bon roi d’Yvetot était bien une épigramme à l’adresse du conquérant; mais son bonnet de coton en adoucissait l’aiguillon. Le Sénateur, Roger Bontenips, la Bonne fille, Ainsi soit-il, les Gueux, l'Age futur, les Gaulois et les Francs, toutes ces chansons, biensatiriques au fond, étaientbonnes