Rouget de Lisle : sa vie, ses œuvres, la Marseillaise

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Cette correspondance atteste que Rouget de Lisle a eu sa Lisette comme Béranger.

Cette digression, à propos de nos deux poètes, a été amenée ici pour expliquer leur manière différente d’'apprécier les événements politiques qui se passaient alors.

Nous sommes en 1814, Napoléon était à l’île d’Elbe, projetant de revenir en France où les Bourbons et leur suile, qui voulaient rétablir les mœurs d'autrefois détruites par la Révolution, n'avaient pas compris leur rôle.

Rouget de Lisle, par haine pour le despotisme impérial, acceptait transitoirement cette restauration. Béranger la harcelaïit avec ses chansons. Pendant seize ans, il n’a cessé d'attaquer, sous toutes les formes chansonnières, avec tous les refrains graves ou badins, tous les hommes du pouvoir. Il eut un tort, celui de confondre

la cause de la Révolulion avec la cause impériale que Napoléon avait fait la sienne par égoïsme et par ambition. Il était assurément de bonne foi.

Tout le monde se rappelle le retour de l’ile d’Elbe, l’enthousiasme de l’armée à Grenoble, la marche triomphale de Napoléon depuis son débarquement au golfe Juan, le 26 février 1815, jusqu'à Paris.

Get enthousiasme s'explique parfaitement en présence des fautes commises par la première Restauration des Bourbons, par les prétentions des marquis de Carabas et la vaniteuse banalité des marquises de Prétintailles.

Si le public avait oublié l’allocution de Napoléon (le 1° janvier 1814) aux députés qui lui refusaient un supplément d'impôt, et qui traitait les opposants de factieux et de traîtres vendus à l'Angleterre, il n'avait pu oublier l’admirable campagne de France où, malgré ses défaites successives, le grand capitaine s’était surpassé; il n'avait pu oublier qu’écrasées par le nombre,