Rouget de Lisle : sa vie, ses œuvres, la Marseillaise

— 146 —

nier, le café Bourbon était le centre des réunions hostiles à l’Empire et des mécontents royalistes ou autres. Rouget de Lisle était de ces derniers. Il y fut témoin d’un envahissement brutal des cuirassiers qui, sabre au poing,

brisérent tout dans l’établissement, glaces, comptoir et tout ce qui opposa quelque résistance. Comme tous les autres, l’auteur de a Marseillaise fut obligé de s’enfuir. La mort certaine et inutile eût été le lot de quiconque eût voulu résister à cet envahissement. Rouget reprit à Montaigu sa vie gênée et ses modestes habitudes. Quelles réflexions pénibles avaient dû assombrir son esprit! La Marseillaise était oubliée, et la vie réelle avec les angoisses de la dette et de la gène, étaient son lot. Les deniers publics étaient rares, il fallait toujours payer des intérêts, et Rouget, obligé d’avoir toujours recours à la bourse de son frère, se voyait, dans une époque prochaine, obligé d'arriver à une vente totale ou partielle de la propriété.

Dans le livre des comptes de cette maison, qui a été compulsé et examiné, la situation est établie à la date du 25 juillet 1817, depuis le 1* janvier 1812. Les receltes y compris la vente de l’argenterie se sont élevées à la somme de 9,965 francs et 6 sous. Les dépenses montaient à 4,618 franes et 6 sous.

De sorte que l'excédent, s’élevant à la somme de 9,347 francs, donnait par an pour cinq ans et sept mois une dépense de 1,212 francs à peu près !.

Sur cette somme il y avait des intérêts à prendre. Dès lors, on peut voir à quel mince revenu étaient bornées les ressources quotidiennes de Rouget. Il en était réduit à solder le compte de Jeannette, sa domestique, par un effet de 140 francs.

1. Adolphe Chevassus, Rouget de Lisle, Lons-le-Saulnier, 1869 (p. 63).