Rouget de Lisle : sa vie, ses œuvres, la Marseillaise

ES

« Paris, 23 juin 1823.

« C’en est fait, mon pauvre Charles! ma position n'est plus tenable, et je n’y tiens plus. Tous mes efforts pour trouver en détail, ne pouvant la trouver en masse, la somme nécessaire pour achever mon recueil, tous mes efforts, dis-je, n’ont abouti qu'à des promesses dont presque aucune ne s’est réalisée, et sur la foi desquelles j'ai contracté des engagements pour continuer celte besogne qu’il m'est impossible de mettre à fin. Tous les matériaux en sont prêts; elle est terminée aux deux tiers ou peu s’en faut; j'ai là,sous mesyeux, les épreuves de plus de trente de ces malheureuses romances ; en se développant, ce travail a pris un caractère auquel j'étais loin de m'attendrez et qui le rend singulièrement neuf etremarquable. Ajoutez que tout le monde m’en parle, qu'indépendamment des exemplaires que M. Ternaux a pris l’engagement de placer, des mesures sont prises, tant par moi que par des amis, pour qu'un grand nombre trouve des débouchés à l'étranger et dans nos départements. Eh bien, en dépit de toutes ces belles apparences, de toutes ces magnifiques espérances, je mourrai de chagrin et de misère à côté de ce petit monument auquel j'aurais dû peut-être un peu d'aisance, un peu de gloire, mais qui ne se terminera point dé mon vivant. Quand je n’y serai plus, peut-être daïgnera-t-on s’en occuper, ce qui ne sera pas difficile, vu qu'il n’y manque presque plus que le chapiteau; tant mieux pour vous et nos autres créanciers. Pour moi, accablé de tristesse, en proie à tous les besoins, aux prises avec un dénûment qui me dégoûte de moi-même, et d'autant plus affreux que je ne vois plus et n'ai plus le courage de chercher les moyens de le faire cesser, je le sens, mon sort est décidé; il va s’accomplir et je m'y

* résigne. — Ne craignez point, mon ami, quelque cascade