Rouget de Lisle : sa vie, ses œuvres, la Marseillaise

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avait fait une centième contrefaçon de ses chansons. Cette poursuite arrachait à Rouget cette exclamation : « Quelle indignité ! quelle persécution vis-à-vis d’un paÇ reil homme qui mérite moins la plus simple admoni« tion que ne méritent le carcan et les galères un tas « de misérables, de vils saltimbanques, accablés sous « le poids des faveurs ministérielles. Pauvres, pauvres « Français, comme on nous traite! » — Est-ce que parfois on ne pourrait pas en dire encore autant, même de nos jours ? Hélas !

Rouget, désespéré, nourrissait toujours le projet de s’en aller à travers champs jusqu'à ce que mort s'ensuive. Il avait en perspective des excursions, dans quel but ? grand Dieu ! « le seul dont je fusse occupé, c'était « de m’endormir en route, au pied d’un arbre, si je de« vais être assez heureux pour en trouver un quand le « moment serait venu ! »

Cette vie de perspective de privations et d’angoisses ne tue pas absolument chez lui un sentiment de gaité qui se retrouve par ci, par là, dans ses lettres. Il sait son ami malade, il le conseille. Nos exploiteurs des vertus curatives du goudron verraient avec plaisir combien il préconise l'usage de l’eau de goudron pour guérir son ami Weiss, parce qu'il s’en est bien trouvé lui-même, et il cite, à ce propos, Georges Berkeley, philosophe, théologien et savant qui, en 1744, avait publié, entre autres nombreux travaux, une étude sur l’eau de goudron. Ce travail, sous le nom de Sirès, a été traduit en français par Bouiller, en 1748 et en 1752. Voilà l’auteur de la Marseillaise médecin empirique, mais très convaincu par l'expérience. Qui soupçonnait en lui ce talent ?

Dans cette correspondance de la fin de 1823, Rouget de Lisle recommande à son ami une petite dame Rodet