Rouget de Lisle : sa vie, ses œuvres, la Marseillaise

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chements, le directeur de l'Opéra, M. le vicomte de La Rochefoucault, a eu l'idée d'y faire entendre de la musique religieuse. À de Jouy on demande un libretto, Moïse, dont Rossini fera la musique. Devant cette exécution toute autre étude devra cesser pour qu’on se livre à celle du Moïse. Mais on promet quand même à MM. Chélard que l’opéra sera représenté le 9 avril. Nous sommes au commencement de 1827.

Moïse, joué en avril, eut un succès plus bruyant que légitime; par conséquent, le retard de la représentation de Macbeth sera de peu de durée. Mais, nouveau et inoui malheur! L'administration de l'Opéra a reçu à l'unanimité le libretto et la musique. Le nom de l’auteur du libretto, Rouget de Lisle, a dû être prononcé, et M. le vicomte de La Rochefoucault a été terrifié à cette nouvelle qui à été transmise par une. dame charitable !

D'une lettre écrite à la date du 42 avril 1827, il faut extraire les passages suivants; il sont navrants plus peut-être que tous les autres. Voilà l’auteur d’une pièce qui a de la valeur, qui va être jouée à l’Opéra, qui est faite par un nom devenu immortel et à qui manque la garde-robe nécessaire pour qu’il puisse se présenter. Quelle leçon pour les pauvres auteurs ! Quelle elfrayante perspective pour qui a du talent justifié par des œuvres que plus tard on achète à prix d’or! « Pauvre Millet, tu € as vécu de privations et c’est par des centaines de € mille francs qu’on payait ton Angelus ! C’est en pleu€ rant que ton vieil ami, mort aujourd’hui comme toi, « Eugène Lavieille, me racontait vos souffrances, vos € privations, vos misères souffertes en commun : ! »

Ah ! c’est le cas de rappeler ce vers de Béranger, ten-

1. Confidence que me faisait Eugène Lavieille, peintre, ami de Millet.