Souvenirs de Russie 1783-1798 : extraits de journal de Mme Leinhardt
SOUVENIRS DE RUSSIE 21
partir pour la Crimée et toujours il reste. Depuis dix jours, on tient 500 chevaux prêts à chaque station pour les équipages. Il a de la peine à se détacher de Saint-Pétersbourg. » Le prince était donc l'homme nécessaire, mais il ne se montrait pas pressé. Le 8 novembre : « Enfin, on commence tout de bon à se préparer pour le fameux voyage en Tauride. Hier, la suite a été nommée, composée seulement de douze personnes sans compter celles qui seront de service. Les deux dames d'honneur Branitzka et Skrawonska iront jusqu'à Kieff; d’autres jusqu’en Crimée. Le comte Czernicheff est aussi du voyage; des grands seigneurs, Mourawief, Mommonoff, Narischkin, le comte d’Anhalt, les ministres de l'Empereur, de France, d'Angleterre. Les préparatifs sont énormes. A Kieff, on s'arrêtera six semaines. [1 faut 2.400 douzaines de serviettes parce qu'on ne se servira jamais deux fois des mêmes, les laissant toujours dans la maison où l’on en aura fait usage, et tout le reste à l’avenant. »
Le 19 novembre : « On ne parle plus que du grand voyage; tout sera de la dernière magnificence. Il y aura un camp de 16.000 hommes ; 65 régiments sont nommés pour se rassembler dans ces contrées. L'Impératrice va droit à Kieff et ne s'arrêtera à Moscou qu'à son retour, où l’on dit qu'il y aura des fêtes superbes pour le 25° anniversaire de son avènement au trône. En attendant, il y aura des moments bien pémibles. D'abord la semaine avant le départ sera fâcheuse pour bien du monde, mais le premier jour de l’an sera affreux pour la Cour, puisque chacun aura un père, un époux ou un frère qui partiront. Le départ étant fixé au lendemain, on conçoit l'horreur du bal de la veille où il faudra se rendre pour prendre congé de l’Impératrice. On dit que, le même jour, Leurs Majestés Impériales se rendront à Gatschina pour y passer tout le temps de l’absence de leur auguste mère. Bien des familles iront passer ce temps-ci soit à Moscou, soit dans leurs terres, ce qui rendra le séjour de Pétersbourg bien triste. »
Nous sommes en 1787 et nous avons vu que le départ pour la Crimée devait avoir lieu immédiatement après le jour de l'an. Parmi les ministres étrangers qui devaient accompagner l’'Impératrice, se trouvait M. le comte de Ségur, ambassadeur de France. En parlant de ce seigneur, M'e L. écrit, à la date du 3 janvier : « Il nous a fait voir un superbe manchon de zibeline dont l’Impératrice lui a fait