Souvenirs de Russie 1783-1798 : extraits de journal de Mme Leinhardt
22 J. CART
cadeau avec une pèlerine de même. Il n’y a que les ministres étrangers qui aient reçu pareils cadeaux; apparemment qu’on suppose les autres messieurs suffisamment fournis et, en effet, ils auront tout ce qu’il leur faut et beaucoup de reste, car, pour les superfluités, je ne crois pas qu'on en trouve autant dans aucun pays. Le comte de Ségur nous a dit que l'Impératrice lui avait demandé si ses préparatifs étaient bien avancés. Il lui avait répondu qu'il n’en ferait aucun puisqu'elle pourvoyait à tout. « Vous nous voiturez, Madame, vous nous logez, vous nous nourrissez et nous habillez, qu'avonsnous besoin de préparatifs ? » Je crois que cette réponse aura beaucoup plu. »
Conformément aux craintes exprimées par Me L., le bal de cour qui devait avoir lieu avant le départ pour la Crimée fut « affreux ». C'était le 11 janvier. « L'Impératrice ne joua qu'un moment. Elle a parlé après à beaucoup de dames. Enfin, elle a dit à la comtesse Matiouschkin, la plus ancienne dame d'honneur, du moins par l’âge : « Il est temps de nous séparer. » Celle-ci se jeta sur sa main: l’Impératrice l'embrassa ; puis toutes les autres dames suivant leur rang. Presque toutes pleuraient et se serraient autour d'elles. Elle avait les larmes aux yeux et leur disait : « Je vous assure que j'ai bien de la peine à me séparer de vous. »
Le 12, jour du départ. L'Impératrice quitta Pétersbourg par un temps sombre et un vent si violent qu'on entendait à peine le bruit du canon qui annonçait son départ. En passant devant l’église de Kazan, elle descendit de voiture pour y faire sa prière.
La position que Mie L. occupait dans la maison du ministre de la marine la mettait à même de suivre l'itinéraire parcouru par le cortège impérial en route pour la Crimée; aussi son journal abondet-il en détails sur ce curieux épisode du règne de la grande Catherine.
Nous lisons à la date du 6 février : « Dimanche, nous reçûmes des nouvelles de Smolensko où la Cour doit s'être arrêtée quatre jours. Tous les jours, il y a grande assemblée chez le prince Repnin, gouverneur général de la province, dont toute la noblesse était réunie à Smolensko pour voir la souveraine, Ce même jour,