Souvenirs des campagnes du lieutenent-colonel Louis Bégos, ancien capitaine-adjudant-major au deuzième régiment suisse au service de France

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fûmes sur le qui vive, et nous parvînmes ainsi à amener intact le dépôt qui nous avait été confié.

La route que nous parcourûmes de Naples à Barlette était assez bonne, mais les habitants nous parurent fort pauvres. En voici, du reste, une preuve. En passant dans le hameau d’Ariano, je n’oublierai jamais le repas qui nous fut servi ; nous vimes arriver sur la table de magnifiques côtelettes, dont la grandeur phénoménale nous surprit. Nous demandämes à l'hôte ce qu’il nous servait-là ? Oh! répondit-il, c’est un fin morceau, Messieurs, dont vous serez contents, je pense. Qu'est-ce donc? — Un âne trépassé d'hier, et je vous défie de trouver quelque chose de meilleur dans tout le village. — Nous ne pûmes nous empêcher de rire à ce singulier aveu, et, comme nous étions de fort bonne humeur, nous fimes honneur à feu l’âne, en gens qui avaient bon appétit. Le temps passait gaiement, on le voit, puisque, dans l’occasion, nous savions manger de l’âne sans nous plaindre.

Nous allions toucher au terme de notre voyage, car nous n’étions plus éloignés de Barlette que de quelques minutes, lorsque, à ma grande surprise, je reconnus mon frère cadet, qui venait à ma ren-