Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

GUERRE D’ESPAGNE EN 1808 ET 1809 144

de *** à travers lequel nous les poursuivimes. Un officier du génie espagnol était placé dans un clocher d’où, avec une longue-vue, il cherchait à reconnaître au loin les positions. Au moment où nous arrivâmes, il descendait et me rencontra le premier. Aussitôt, il se mit à genou, faisant une foule de gestes franc-maçonniques. Je dois saisir cette occasion pour parler de la franc-maçonnerie à l’armée. À mon entrée au régiment, on m'avait demandé si j'étais franc-maçon. Presque tous mes camarades étaient pourvus de grades dans l’institution; les jeunes officiers s’empressaient de se faire recevoir et ils subissaient des épreuves très rigoureuses, dont le récit faisait souvent les frais de nos conversations de table. Comme le but réel de la franc-maçonnerie était caché aux nouveaux initiés et qu'aucun n’était indiqué, seul, peut-être, de tous les officiers du régiment, j'avais cru devoir m’abstenir : je narguais même mes camarades au point que si, plus tard, j’eusse voulu me faire recevoir, j'aurais été signalé au corps entier et soumis à des épreuves redoutables. La franc-maçonnerie n'était pourtant pas sans utilité. On sait que les rois et les princes, ne pouvant détruire cette organisation puissante, avaient pris le parti de s’y faire affilier, ainsi que leur famille. A l’armée, la promesse de se porter assistance et secours devenait très utile à l’occasion : entre ennemis même, on fraternisait. La franc-maçonnerie était vivement poursuivie par les inquisiteurs espagnols, qui ne