Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

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qui, deux jours après, était réduit à emprunter luimême à son débiteur de la veille. Ce ne fut qu'au moment du départ de la Corogne que l’on connut les véritables victimes.

Le colonel Jomini, notre chef d'état-major, avait auprès de lui son frère, attaché comme capitaine (1). Un jour, dans une querelle de jeu, ce jeune homme se permit de donner un soufflet au capitaine de La Chasse de Vérigny, qui voulut tirer raison de cette insulte. Nous nous opposâmes à une rencontre, à cause de l’estime que de Vérigny nous inspirait, et nous chassâmes ignominieusement le capitaine Jomini, de la Corogne (2).

Clouet, peu de temps après notre arrivée, s'était brouillé avec le maréchal : il partit pour la France avec vingt chasseurs de Berg. Arrivé près des Pyrénées, il changea d'avis, et, deux mois après, il était revenu, ayant parcouru l'Espagne en partie avec ses vingt chasseurs. Le maréchal, ayant tout oublié, lui avait dit de reprendre son service.

(4) Jomini, d'origine suisse, était entré en 1804 à l'état-major de Ney, mais avait été souvent au cours des campagnes détaché auprès de l'Empereur. A la suite de difficultés avec Ney en Espagne, il se retira, fut nommé aide de camp d’Alexandre mais bientôt rappelé par Napoléon. Il quitta définitivement l’armée française en 1843 et fit, en 1815, d’inutiles efforts pour sauver Ney. Voir sur Jomini la fin du chap. V. (Note de l'éditeur.)

(2) Le capitaine de La Chasse de Vérigny avait été aide de camp de Moreau. Mis en non-activité lors de la disgrâce de son général, il rentra au service dans l'état-major de Ney, lors du départ pour l'Espagne. Il y remplissait les fonctions de souschef; c'était un officier de grand mérite. I1 périt en 1835 par la machine de Fieschi. (Note d'O. Levavasseur.)