Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

GUERRE D'ESPAGNE EN 1808 ET 1809 153

que son cheval est déferré, qu’il boite et ne peut plus suivre... Je lui ordonne de retourner et je continue seul. Cependant, à six lieues de là, il faut passer une rivière; j'appuie vers Villalba et jy entre; mais une division de La Romana occupe la ville : plus de 3 000 hommes encombrent la place. Enveloppé soigneusement dans mon manteau, monté sur ma mule, je traverse sans m'arrêter cette foule de soldats; je gagne la plaine, et, après mille dangers, j'arrive à Mondoñedo chez le généralMaurice Mathieu qui déjeune tranquillement. Aucun des trois officiers envoyés avant moi n’était parvenu. Le général donne sur-le-champ les ordres nécessaires pour la réunion de ses troupes et, dès qu’elle sont réunies, on se met en marche sur l'ennemi.

C’est dans cette marche avec Maurice Mathieu que je fus témoin d’un de ces faits qui montrent à quel point était parvenue l’animosité de nos soldats contre les Espagnols.

Le succès d'une guerre d’invasion dépend souvent du motif qui la fait entreprendre. Si la nation s'associe à la lutte de son gouvernement, elle est invincible, car que sont les armées auprès d’un peuple entier, lorsque chaque habitant croit devoir à sa patrie la mort d’un ennemi? Tel est le sentiment qui animait contre nous la nation que nous avions à combattre. Nos soldats, de leur côté, saïsissaient toutes les occasions de rendre guerre pour guerre : à défaut de prétexte pour faire fusil-