Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

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ler les habitants, ils en inventaient. Leur mettant des cartouches dans la poche, leur frottant les mains de poudre, ils en faisaient des coupables et les fusillaient eux-mêmes pour punir ces crimes de leur propre invention.

Arrivés dans les montagnes qui séparent Mondoñedo des Asturies, nous fûmes surpris de voir venir au-devant de nous un vieillard vénérable, qui nous offrit, dans la chaumière qu’il habitait, le gîte de la nuit. C’était un savant d’une réputation européenne et qui nous charma par l'étendue d’une érudition immense, puisée dans plusieurs voyages autour du monde. Il avait près de lui un de ses neveux qui connaissait la France et montrait déjà qu’il suivrait les traces de son oncle. Le lendemain matin, à notre départ, nous insistämes pour que ce jeune homme vînt nous servir de guide. On le fit marcher à vingt pas en avant sous l’escorte de deux grenadiers. Tout à coup, une explosion se fit entendre, et notre guide tomba : il avait été tué à bout portant. « Que faites-vous? s’écria le général Maurice Mathieu, malheureux, qu'avez-vous fait? » — « Général, répondirent les grenadiers, voici un autre guide que l’on ramène: nous n’en avons pas besoin de deux. »

La Romana ne voulut pas se mesurer avec nous ; il disparut, et nous retournâmes dans les cantonnements à Mondoñedo.