Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

GUERRE D’ESPAGNE EN 1808 ET 1809 155

Huit jours après mon arrivée auprès de lui, Maurice Mathieu m’engagea à rejoindre le maréchal Ney. Je me mis en route à la tête d’une compagnie de voltigeurs, mais, à deux ou trois lieues, impatienté de cette marche lente, je renvoyai cette compagnie et me décidai à rejoindre seul la Corogne, en appuyant à gauche pour éviter Villalba.

Je gagne la grand’route de France, je la suis, et, m’arrêtant à une maison de poste, j'appelle un homme se présente, je lui demande de l’orge pour ma mule. « Vous êtes Français, me dit-il, retirez-vous. Voyez ces feux, il n’y a pas deux heures que les troupes espagnoles les occupaient; fuyez! » À son langage, je reconnais un Français; il m'explique qu’il a été laissé dans cette maison par le maréchal Ney, comme sauvegarde; qu'il a rendu des services au maître de poste, qui l’a déeuisé en Espagnol pour répondre en espagnol aux Espagnols, et en français aux Français. Il me rapporte de l'orge et, cinq minutes après, je reprends la marche sur la Corogne, en évitant les bivouacs ennemis abandonnés. J'avais pris d’abord cette maison pour une de ces ventas où prétendues auberges, caravansérails misérables, appartenant au domaine royal, dans lesquelles on ne trouve que le couvert et point de vivres. C’est dans ces ventas que les muletiers conduisent les voyageurs par étapes de douze à quinze lieues. Quant aux postes, on ne pouvait s’y procurer, à cette époque, que des chevaux de selle, la plupart andalous.