Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

160 SOUVENIRS D'OCTAVE LEVAVASSEUR

Tous ce clergé constituait l'aristocratie cléricale qui, à limitation des autres, dédaignait la démocratie ecclésiastique. Celle-ci, composée de trois’ cent mille moines, vivait au milieu de la populace qu'elle nourrissait et qu’elle menait au combat, Un grand nombre de couvents, dont plusieurs servirent de forteresses contre nous, occupaient toute l’enceinte des villes et leur donnaient en apparence une immense étendue. Otez cent couvents de Salamanque, de Tolosa et de trente autres villes, ces grandes cités ne seront plus que de petites bourgades.

Bientôt, le maréchal m’ordonna de me rendre auprès du roi pour lui porter des nouvelles de notre corps d'armée et pour recevoir ses ordres. L'évêque avait deux mules magnifiques, rasées selon l'usage et portant sur leur pelure des arabesques dessinées avec la plus grande perfection. Mon domestique Joseph, au moment du départ, crut devoir détacher ces mules du service du prélat, pour les attacher au mien. J’en pris une et me lançai par le royaume de Léon dans la Castille, évitant autant que possible de m’arrêter au milieu des grosses populations. Quelquefois cependant jy étais contraint pour prendre ma subsistance. « Où est l’alcade? » demandais-je aux paysans. — « Point d’alcade, » disaient-ils, et bientôt quinze ou vingt d'entre eux me suivaient; alors j'entrais dans une maison dont le propriétaire me disait de sortir en m'assurant que j'allais être assassiné si je res-