Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

GUERRE D’ESPAGNE EN 1808 ET 4809 16€

tais. Une fois, mes agresseurs s’attroupèrent à la porte. Je donnai l’ordre qu’on la laissât ouverte : « De l'orge pour ma mule et à manger pour moi! » m'écriai-je. Le propriétaire était aussi tremblant pour lui que pour moi-même, car il ne se dissimulait pas les vengeances que ma mort pouvait attirer sur sa maison : en présence du groupe prononçant avec fureur le juron Caraco! Caraco! il me fournit ce que je demandai. En sortant, je saisis ma mule par la bride, et, passant près du groupe, je marchai fièrement devant lui, à pied, en montrant mon uniforme, sans recevoir d’autres insultes que le mot que je viens de citer. En pareille circonstance, monter à cheval et fuir, c’est perdre la vie; le maréchal m'avait appris cette manière d'agir. Ney ne manquait jamais, lorsqu'il quittait une ville, d'y rester toujours le dernier; un quart d'heure après le départ des troupes, il traversait les rues à pied, et, toisant la populace assemblée, il la pétriliait par son regard. Dire combien de fois se sont renouvelées de pareilles scènes et les angoisses de la nuit, où il fallait reposer le sabre au côté et les portes ouvertes, est impossible. Dans une autre occasion du même genre, mais. cette fois isolé, accompagné d’un hussard d’escorte, je traversai un pays devenu célèbre par les assassinats des officiers. Faisant connaître ma qualité d'aide de camp du maréchal Ney, je me fis donner tout ce dont j'avais besoin, en ordonnant à mon hussard de rester sur la place. Je prescrivis en 11