Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

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même temps qu’on apportät des vivres pour lui et pour son cheval, menaçant de détruire les habitations et de passer les habitants au fil de l'épée, si je ne trouvais pas le hussard à mon retour. Trois jours après, je revins et retrouvai cet homme auquel rien n’avait manqué. Tel est le peuple espagnol : la crainte seule peut le dompter.

Mais revenons à ma mission sur Madrid.

Un jour, dans une plaine, près Villadiego, je vois fuir devant moi des soldats qui gagnent une église isolée. Je crois reconnaître l'uniforme français; je m’approche et crie : « Qui vive? » « France! » Aussitôt se présente un officier d'infanterie que j'interroge et qui me dit que, dernièrement, lors de la reprise de l’île de Walcheren, il avait été rappelé de la retraite et envoyé en Espagne, où on l'avait nommé commandant de place à Villadiego ; que, l'ennemi s’étant approché, il s'était retiré dans cette église, recueillanttousles traînards qu'il avait pu arrêter. Pendant qu'il parlait, ma mule prenait sa ration d'orge et moimon repas. Je vis que l’église était crénelée et que ces braves militaires s’y défendraient vaillamment lorsqu'on les attaque rait. Le commandant faisait, avec sa troupe, des sorties dans les villages et se procurait ainsi tout ce dont il avait besoin. À son accent, je crus reconnaître un Picard. Il me dit qu'en effet il était de Sougeon et qu'il s'appelait Delannoy : « Nous sommes du même pays, lui dis-je, et la propriété de Lannoy m’appartient. » Surpris de ma présence