Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

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extérieur peu agréable, ne tenait aucun compte de l'élégance; il riait beaucoup des bibliothèques modernes, où les livres sont mis sous verre et reliés si magnifiquement qu'on n’ose les toucher.

La maison de M. Langlès, membre de l’Institut, savant orientaliste, né à Breteuil et mon parent, recueillait aussi tous les savants de l’Europe. J'y voyais, comme chez le comte de Belderbusch, les Humboldt, les Lacépède, les Cuvier. Langlès était aussi lié avec Talma et les grands artistes de cette époque. Talma donnait, de son côté, des soirées magnifiques, où Mile Duchamps et Garat chantaient avec tant d’âme les duos à la mode. La rue Caumartin avait encore sa renommée : les Lavollée, les Fruchard réunissaient chez eux les plus jolies femmes et les plus brillants cavaliers. On y jouait des jeux énormes.

Le maréchal Ney, en mon absence, fit une nouvelle invasion en Portugal avec Masséna; mais il paraît que ce vieux maréchal n’avait plus ce coup d'œil et cette énergie qui avaient fait jadis sa réputation : il se fit battre et repousser. Quant à Ney, à qui était remis le soin de couvrir la retraite, il montra dans cette circonstance par ses marches en arrière et ses attaques en avant, qu'il pouvait acquérir de nouveaux droits à l'estime de l’'Empereur et de la France. Il ne reculait de quatre pas que pour avancer de deux; il n’abandonnaït une ville que pour la reprendre puis la quitter ensuite. Brouillé avec Masséna, il revint à Paris où je le