Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

178 SOUVENIRS D’OCTAVE LEVAVASSEUR

contrait des cadavres, partout de l'artillerie et des bagages abandonnés, et la terre était couverte d'armes et d’effets militaires. A 8 heures du soir, Ney reçut la dépêche de Davout, qui l'instruisait du désastre d’Eugène et de la nécessité d’accélérer la marche.

Les instructions de Ney lui laissaient la latitude de ne partir que le 47, s’il n’avait pas tout préparé pour la destruction des murailles de Smolensk et de l'artillerie qu'on était obligé d'abandonner. Ce général ne supposait point qu’il pût être coupé par la totalité de l'armée russe, événement dont Napoléon n’avait pas même soupçonné la possibilité. Aussi, en recevant cette dépêche, il dit que tous les Gosaques de la Russie ne l’intimideraient point et qu’il remplirait ses instructions. Le 47, à 2 heures du matin, il quittait Smolensk : son corps était composé de 6000 hommes d’infanterie, de 300 de cavalerie et de 12 bouches à feu; 7 000 trainards environ le suivaient et embarrassaient la marche de ses colonnes. Son arrière-garde n’était encore qu'à une demi-lieue de Smolensk, lorsqu'on entendit l'explosion des mines; elle eut lieu successivement: la terre en fut ébranlée au loin; des tourbillons de flammes éclairèrent soudainement l’horizon et montrèrent pour la dernière fois Smolensk en ruines aux regards des Français. Il ne restait pas de chirurgien avec les 3 000 malades et blessés, que l’on abandonnaït et qui ne furent point recommandés à lPhumanité des Russes : on les laissa là comme de vils instruments devenus désormais inutiles. Que dis-je! Ils furent les victimes d’une vengeance insensée et brutale; car la destruction des murailles du Kremlin et l’explosion des mines renversèrent plusieurs bâtiments, dans lesquels étaient ces malheureux, et les ensevelirent sous leurs ruines.

Pendant cette journée, des Cosaques furent seuls en présence; Ney vint bivouaquer à Koritnia; le lendemain, il se remit en marche. Les Cosaques se mon-