Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

CAMPAGNE DE RUSSIE 179

trèrent en plus grand nombre et avec du canon, ce qui forçait à marcher plus réuni. Sur les 3 heures, lavant-garde atteignit Katowa et s’arréta à la vue du corps de Miloradowitch, qui était en position au delà d’un ravin. Du point où elle se trouvait, l’on découvrait toute la plaine dans laquelle est située la petite ville de Krasnoï; mais le temps, qui annonçait un dégel, était brumeux et ne permettait à la vue de s’étendre que jusqu’à une très petite distance, ce qui empéchait de découvrir la force du corps ennemi.

Aussitôt que Ney eut été instruit de cet événement, il se transporta à son avant-garde. Très irrésolu dans le cabinet, il était, au contraire, plein de résolution sur le champ de bataille. Deux de ses divisions avaient déjà atteint le ravin; il leur ordonna de le franchir et d'aborder l'ennemi : il dirigea lui-même cette attaque. Au moment où l'infanterie française déboucha du ravin, elle essuya le feu de la nombreuse artillerie des Russes, n’en fut point ébranlée et se précipita sur l'ennemi avec une telle impétuosité qu'elle renversa sa première et sa seconde ligne; mais bientôt, entourée de tous côtés, chargée par la cavalerie, ayant déjà perdu la moitié des siens, elle fut repoussée et repassa le ravin dans le plus grand désordre. Si Miloradowitch l'eût poursuivie, rien ne pouvait sauver Ney; mais, étonné sans doute de la vigueur avec laquelle il avait été attaqué, il se contenta de faire suivre les Français par les Cosaques. Ney parvint à rallier ce qui lui restait des deux divisions, qui avaient été engagées, en arrière de celle qui n’avait point combattu. Convaineu qu’une nouvelle tentative contre des forces tellement supérieures aux siennes consommerait sa ruine, il se retira dans la direction de Smolensk, résolu à tenter de passer le Dnieper, pour mettre ce fleuve entre lui et l’armée russe. La nuit, qui survint bientôt, favorisa sa retraite. Un officier lui fut envoyé, à deux reprises