Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

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différentes, par Miloradowitch, pour lui faire connaitre que les corps d’Eugène et de Davout avaient été anéantis; que l’armée russe tout entière occupait Krasnoï et qu’ainsi une plus longue résistance devenait inutile. Non seulement Ney repoussa ces propositions, mais, cet officier lui ayant été envoyé une troisième fois, il le fit prisonnier, prétendant qu’il ne pouvait le considérer comme parlementaire, parce que l'ennemi venait de tirer quelques coups de canon. Le lendemain, Ney appuyait à droite, pour se rapprocher du Dnieper, et s’arrêtait le soir au village de Danikowo; il y fit allumer des feux de bivouacs, comme s’il eût voulu y passer la nuit; les Russes, ne croyant pas qu'il pût leur échapper, en firent autant.

Après quelques heures de repos, Ney partit dans le plus grand silence et gagna le Dnieper; puis il côtoya ce fleuve dans le sens de son cours, jusqu'à ce qu'il eût trouvé un endroit dont les rives fussent peu escarpées et où la glace eût quelque consistance. Rien n’était plus incertain que la réussite de ce passage, parce que, le froid n’ayant pas été excessif pendant deux jours et le temps se mettant au dégel, l’on ignorait si l’on pourrait passer sur la glace, qui recouvrait le fleuve. Ney se décida à effectuer son passage dans un endroit situé entre les villages de Syrokorenie et Gusinoc. La glace y portait à peine; elle fut bientôt rompue à l’entrée et à la sortie du fleuve; il fallut abandonner ce qu’on avait conservé d’artillerie, de bagages et de chevaux, et les fantassins, qui seuls purent passer, furent obligés de se mettre dans l’eau jusqu’à la ceinture, pour atteindre et quitter la glace. Ce passage extraordinaire s’effectua pendant la nuit du 18 au 49 novembre : l’ennemi ne le contraria point. Le corps français parvint ainsi à mettre le fleuve entre lui et l’armée russe, mais il se trouvait réduit à trois mille hommes, qui étaient suivis d’un