Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

CAMPAGNE DE RUSSIE 181

nombre à peu près égal de militaires isolés. Ney atteignit au point du jour le village de Gusinoc, dans lequel il surprit, à son grand étonnement, quelques Cosaques qu’il fit prisonniers; il en apprit que Platow, ayant continué à marcher par la rive droite du Dnieper, était avec son corps à une petite distance de Gusinoc. Ainsi, de nouveaux périls succédaient à ceux auxquels on venait d'échapper. L’on devait, d’ailleurs, craindre que Kutuzow ne fit passer un corps d’infanterie à Khomino ou à Rasasno, ce qui aurait replacé le III° corps dans une position non moins critique que celle de laquelle il venait de se tirer. Aussi, quoique les troupes fussent accablées de fatigue, Ney ne leur accorda que le temps nécessaire pour prendre quelque nourriture, et repartit aussitôt : il se proposait de rejoindre Napoléon à Orsza.

Cependant, dès que Platow eut été averti de la présence des Français, il se mit à leur poursuite et cette journée les aurait vus tomber au pouvoir des Russes, sans l’énergie extraordinaire que déploya leur maréchal. Les Cosaques s’étaient déjà montrés, mais en petit nombre, lorsqu’au sortir d’un bois, il fallut traverser une plaine assez étendue que côtoyait le fleuve. Platow en personne loccupait avec ses Cosaques. Ney, craignant de voir paraître de l'infanterie et de l'artillerie, s’y engagea sur-le-champ. Les divisions, ployées en colonnes serrées, appuyaient leur gauche au Dniepser et des tirailleurs, placés sur leur flanc droit, éloignaient les Cosaques. Dès que l’on fut engagé dans cette plaine, une nombreuse artillerie, paraissant tout à coup sur la droite de la colonne, la canonna vivement. Dans cette extrémité, Ney pressa la marche pour gagner un bois qui était devant lui | était sur le point de l’atteindre, lorsqu'une batterie, embusquée dans ce bois, tira à mitraille sur la tête de colonne, où il se trouvait alors, et y porta la destruc-