Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

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tion et le désordre. Un découragement spontané s’empare du soldat; il jette ses armes, s’écriant pour la première fois qu’il fallait se rendre. Ney reste presque seul à cheval, écumant de rage: il parcourt la colonne, anime les soldats d’une voix terrible, leur montre la France d'un côté, de l’autre la captivité la plus affreuse, et parvient ainsi à leur communiquer son audace. Ils reprennent leurs armes et, poussant des cris épouvantables, se précipitent sur la batterie, qui n’a que le temps de fuir. Ney atteignit ainsi le bois : il n’y trouva aucun chemin frayé, traversa un ravin, dont le passage offrait tant de difficultés qu'il fut obligé d'abandonner les chevaux, qu’il s’était procurés depuis qu’il était sur la rive droite du Dnieper, et arriva pendant la nuit à un village, où il s’arrêta pour prendre quelque repos. Au point du jour, le 20 novembre, il se remit en marche: les Cosaques, obligés de faire un long détour pour le rejoindre, ne parurent que vers le milieu de la journée, pendant que l’on traversait un terrain découvert; leur artillerie n’étant point encore arrivée, des tirailleurs suffirent pour les écarter. A la chute du jour, l’on s’arrêta au village de Jacupowo, situé près d’un boïs, et l’on établit des feux de bivouacs autour de ce village et sur la lisière des bois.

N’étant plus éloigné d’Orsza que d’une journée, Ney y envoya deux officiers qu’il chargea d’instruire Napoléon de son extrême détresse; puis, vers 9 heures du soir, il partit dans le plus grand silence, afin de devancer l'ennemi. Il espérait enfin atteindre Orsza, lorsqu’en débouchant d’un bois, l’on aperçut des feux de bivouacs, qui semblaient indiquer la présence d’une armée forte de 20000 hommes. Etaient-ce des Français? étaientce des Russes? Ney, pour s’en assurer, envoya une reconnaissance, qui fut reçue à coups de fusil, et l’on entendit un grand bruit de tambours : ainsi, c'était un corps d'infanterie ennemie. Ne consultant alors que