Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

1814 — CAMPAGNE DE FRANCE 195

préparé pour la faire vivre. Les états-majors s’emparèrent des maisons. Quant au reste de l’armée, qu'on se figure des multitudes de jeunes conscrits, mouillés jusqu'aux os, errant dans les rues, frappant aux portes qu'on ne veut pas leur ouvrir et mendiant une pomme de terre qu’on ne peut pas leur donner!

Le lendemain, 29, nous marchâmes sur Brienne: Blücher l’occupait et avait pris position en avant ; le maréchal commandait les réserves. L’armée française, se disposant en ligne de bataille, attaqua Blücher ; une affaire des plus meurtrières s’engagea mais la résistance fut si vive et notre attaque faite avec des troupes si peu aguerries, qu'on ne put prendre la ville. Cependant, à la chute du jour, l'Empereur fit, porter au prince de la Moskowa l’ordre de presser sa marche, en lui prescrivant de s’avancer sur Brienne par le chemin de Maïzières. Pendant que la division. (4) était ramenée en désordre, le prince fut obligé de ralentir sa marche.

Bientôt des paquets entiers de cartouches sont jetés à terre; nos soldats, malgré l’ardeur des officiers, ne répondent point au commandement de « En avant! » Un grand nombre d’entre eux se cache derrière les arbres ; d’autres se retirent blessés ou prétextant qu'ils n’ont plus de cartouches. Cependant, les généraux tenaient ferme à peu de

(1) En blanc dans le manuscrit. I1s’agit de la division du général Decouz (Jeune-Garde), mis sous les ordres de Ney et qui fut mortellement blessé dans cette journée. (Note de l'éditeur. )