Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

1814 — CAMPAGNE DE FRANCE 197

pour me faire ouvrir les portes, l'ennemi attaquait nos blessés et les achevait; les coups de feu retentissaient dans les rues. Étonné et surpris, je m'échappai et gagnai la plaine non sans dangers, indigné du peu de courage de nos troupes, car deux compagnies placées au château auraient pu prendre la ville et la défendre contre toute attaque ultérieure. J'arrivai auprès du maréchal, auquel je témoignai toute mon indignation : « Allez auprès de l'Empereur, me dit-il, et faites vousmême le rapport. » Je courus de suite au quartier général, qui était au village de Maizières, à une lieue en arrière. Il faisait nuit : ma route était éclairée par les flammes de l'incendie, allumé dans les rues de Brienne après mon départ : spectacle plein de grandeur et de désolation!

J'arrive à Maïizières vers minuit, tout couvert de boue; je vais auprès du major-général Berthier et lui rends compte de l'attaque infructueuse du chàteau, du découragement des troupes, de l’incertitude des généraux eux-mêmes, des chances que nous avons perdues pour emporter la position de Brienne. J'ajoute que la situation de l'esprit publie est telle que nous ne pouvons combattre les Alliés avec succès, que véritablement la France et l’armée ne veulent plus de guerre; que, avec des troupes telles que les nôtres, nous ne pouvons qu'essuyer des revers, et qu’il faut faire la paix, car tel est le vœu bien prononcé de toute la France: que nous sommes mal reçus dans nos loge-