Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

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possession du même nombre. L’ennemi grossissait donc notre armée au delà de ses proportions réelles, et les renseignements qu’il pouvait prendre étaient tout à notre avantage. Cette tactique fut fréquemment employée pendant cette campagne.

Napoléon avait recueilli à Champaubert le fruit de la combinaison qui consistait à battre les corps ennemis les uns après les autres. Il s’empressa le lendemain, 11 février, de marcher sur Montmirail, où 1il pensait trouver le corps de Sacken avant sa jonction avec York. Effectivement, ce COTpS OCCUpait une position formidable, sur le bord de la route de Châlons vers la Ferté-sous-Jouarre. Un grand ravin couvrait son front de bataille : il fallait l'en débusquer. Le prince de la Moskowa, établi à Marchais avec ses divisions, se mit en mouvement avec la Vieille Garde, marcha droit au ravin dans lequel s’abritaient les bataillons ennemis (1). Nous n'apercevions que les têtes des hommes qui, couverts par les flancs du ravin, tiraient sans danger sur nos grenadiers présentant leurs belles poitrines sans défense. Le maréchal criait « En avant! » et la Vieille Garde le suivait, marchant intrépidement sous un feu qu’elle ne pouvait éteindre. Un sentiment pénible m’agitait à la vue de l'élite de l’armée française périssant ainsi assassinée. Un grand nombre de ces braves succombèrent : cependant, le prince de la Moskowa, à leur tête, parvint à s’em-

(4) La Vieille Garde comprenait les divisions Friant et Mortier. (Note de l'éditeur.)