Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

+2 Prec

208 SOUVENIRS D'OCTAVE LEVAVASSEUR

Dans cette belle charge de cavalerie, il m’arriva un fait que je dois mentionner. Seul en avant, je poursuivais un officier de cavalerie prussienne que j'étais sur le point de toucher; tout à coup cet officier fait volte-face et oppose la pointe de son sabre au mien que je lui présente. Ayant mes yeux dans les siens, je poussais des hourras, auxquels il ne répondait que par des signes d'inquiétude, car il apercevait nos troupes venir derrière moi. Nous restämes .ainsi pendant quelques minutes; les troupes allaient nous joindre. Tout à coup, cet officier fit de nouveau volte-face, et, piquant des deux, il s'enfuit sans que je pusse l’atteindre, car ce fut à ce moment que la charge générale s’arréta.

C'est dans cette circonstance, spécialement, que je remarquai l'impression que produisait la présence de l'Empereur sur ses maréchaux. Assurément, le mouvement ordonné par le prince de la Moskowa était bien conçu, et il fallait le poursuivre, mais le maréchal n’osa plus rien ordonner. Tel était l’ascendant de Napoléon que son aspect seul ôtait tout esprit d'initiative à son meilleur lieutenant. Le maréchal Ney était, pour ainsi dire, tremblant à l'approche de Napoléon, non de ce sentiment qui préoccupe le courtisan, mais de ce respect qui anime l’homme de guerre, devant celui en qui il reconnaît la supériorité. Les autres maréchaux étaient comme le prince de la Moskowa : Lannes seul avait su conserver son ancienne fierté.