Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

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le malheur de lever la tête. Quelques coups de fusil seulement se font enténdre dans cette mélée et on fait nombre de prisonniers. En même temps, la masse en avant poursuit sa marche; je marche derrière elle pendant plus de deux heures avec un petit nombre de cavaliers, en continuant nos cris autour d’elle. Cependant la nuit arrive : à la faible lueur du crépuscule, j’aperçois cette colonne s’arrétant auprès d’un bois.

Une idée singulière me traverse alors l'esprit; je demande un trompette et m’avance en lui ordonnant de sonner en parlementaire. À chaque appel, je m'arrête et j'écoute; j’avance toujours en gardant le plus profond silence. Enfin, arrivé à une faible distance, j'entends que l’on crie : « Qui vive? Que demandez-vous? » — « De par l'Empereur, répondis-je en élevant la voix, je vous somme de vous rendre; vous êtes enveloppés par 20 000 hommes d'infanterie et de cavalérie. » — « Va dire à ton Empereur, crie alors une voix, que nous avons encore vingt bataillons d'infanterie et que nous sommes prêts à lui répondre. » A ces paroles, je vis que la pensée que j'avais eu de faire à moi seul 15 000 prisonniers ne pouvait réussir. Je fis volteface et rentrai à l’état-major du maréchal, à qui je racontai le fait. Il était déjà 11 heures du soir.

L'Empereur, poursuivant son mouvement, s’établit, le 15, à la Ferté-sous-Jouarre et, le 16, à Guignes, où il réorganisa différents corps : il se voyait dès lors en état de reprendre l'offensive. Il