Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

1814 — CAMPAGNE DE FRANCE 247

plus près de Munich que de Paris, n’est-ce pas? Les armées, ajouta-t-il, les armées, aujourd’hui ici, demain... » Et son geste indiquait la Pologne.

Le prince de Lichtenstein garda quelque temps le silence, puis il reprit timidement : « Sire, les souverains alliés sont dans Troyes, où ils ont tous leurs équipages; ils n’ont d’autre moyen de défense que l'incendie de la ville. » — « C’est bien, c’est bien », dit l'Empereur; et se retournant vers le bivouac de l'état-major : « Drouot, ajouta-t-il, faites commencer le feu par le pont d’Arcis (1). » Aussitôt Drouot monta à cheval, le prince se retira, et, dix minutes après, trois coups de canon furent tirés; des flammes annonçant l'incendie s’élevèrent au-dessus des murs de Troyes; mais ces coups de canon et l'incendie lui-même n’eurent aucune suite : chacun resta dans sa position. Tel était l'Empereur : après un revers, il eût peut-être avec peine cédé quelque chose; mais le plus petit succès lui faisait entrevoir la reprise de tout le terrain perdu, et il n’y avait plus de traité possible. Pendant la nuit suivante, l’armée ennemie éva-

(4) De fait, l'Empereur envoya le lendemain, 24, aux avantpostes de Lusigny le général Flahaut, pour traiter de l’armistice proposé par les Alliés, mais ce commissaire dut déclarer que les pourparlers n’interrompraient pas les opérations.

Le 25, les souverains, réunis à Bar-sur-Aube, décidèrent que la grande armée de Schwarzenberg se retirerait sur Langres, mais que Blücher avec l’armée de Silésie serait laissé maitre de ses mouvements. Les deux masses ennemies, à peine réunies, allaient de nouveau se séparer. (Note de l'éditeur.)