Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

1814 — CAMPAGNE DE FRANCE 219

signalée par aucun événement que je puisse rapporter. Arrivé près de cette petite ville, le maréchal m'envoya y faire son logement. Je partis et me fis suivre par une vingtaine de chasseurs de l’escorte.

Le jour tombait : j'entends rouler des voitures et du monde venir à nous. Éparpillés dans la plaine, mes soldats poussent des hourras, et nous apercevons une ligne de bataille de 150 à 200 hommes. Aucun coup de fusil n’est tiré et nous de crier « Hourra! » de plus belle en avançant. Quelle fut notre surprise, arrivés sur eux, de voir tous les fusils couchés à terre, et les officiers en tête criant: « Prisonniers! » Deux caissons attelés de six chevaux étaient près de là; mes chasseurs et moi, craignant qu'à la vue de notre petite troupe ces prisonniers ne ramassassent leurs fusils et ne se défendissent, les poussâmes avec impétuosité sur leur extrême droite; ils ne formèrent plus bientôt qu’une masse entièrement désarmée. Pendant le trajet pour rejoindre le maréchal, mes chasseurs dépouillèrent ces malheureux de leurs sacs, en sabrant ceux qui opposaient de la résistance. Pour moi, je m'étais fait suivre par le caisson chargé de munitions; il était attelé de six beaux chevaux hanovriens. Ce petit convoi était envoyé à Blücher, et les Prussiens qui l’escortaient s’étaient égarés dans la plaine. Je fis vider les caissons par des paysans, et bientôt le maréchal nous rejoignit. Je lui remis les prisonniers et gardai les chevaux