Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

1814 — CAMPAGNE DE FRANCE 221

queue de cette colonne qui, faisant sa retraite au trot, nous permet de l’atteindre; les cavaliers ne peuvent se défendre qu'en donnant des coups de lance en arrière; ce massacre continue, toujours en marchant, plus d’une lieue et demie. Dans cette poursuite, on détruisit plus de cent hommes du régiment; les paysans et les femmes accouraient de toutes parts pour les dépouiller.

Le colonel, s’apercevant enfin de cette boucherie, fait face en arrière en bataille, et nous voilà trente cavaliers seulement en présence d’un régiment tout entier, qui nous charge au galop et nous ramène sur Château-Thierry. Dans cette retraite, il fallait regagner la route pour pouvoir rentrer en ville. Ceux des cavaliers russes qui galopaient sur la chaussée avaient l’avantage sur nous qui étions dans la plaine; j'eus cependant le bonheur, en gravissant un rideau, de passer immédiatement devant eux sur la route, le seul défilé qui permettait l'accès de la ville. Je montais alors un des douze chevaux que l'Empereur avait donnés au prince de la Moskowa; grâce à ce bel animal, que je tenais de sa munificence, je pus me tirer d’affaire, quoique étant le premier dans l'aitaque. Nous perdîmes plusieurs officiers et soldats; quelques-uns, démontés, se jetèrent dans les fossés ct s’y cachèrent. Notre peloton se rallia dans Ch4teau-Thierry même. Voyant que le régiment n’entrait pas dans la ville et se remettait en bataille, sachant d’ailleurs que nous allions être soutenus