Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

1814 — CAMPAGNE DE FRANCE 225

Woronzow, et s’emparer du village d’Aiïlles, situé à l'extrémité de ce bois. Arrivé en ligne, le maréchal m'envoya reconnaître s’il ne serait pas possible de conduire de l'artillerie sur le plateau, en passant par Bouconville et l’abbaye de Vauxclairs. Je partis pour cette reconnaissance et traversai le bois. L'affaire était engagée; le canon ronflait de tous côtés; les boulets ricochaient d’un arbre à l’autre; chaque obus en touchait vingt et en abattait dix; la cime de ceux qui étaient atteints seulement se balançait, comme s'ils eussent été frappés par un vent furieux; les autres jonchaient la terre de leurs débris. Mon domestique et mon ordonnance atterrés n'osèrent me suivre. Cependant, je traversai le bois et reconnus que le chemin était praticable ; l’armée ennemie combattait en face du débouché sur le plateau.

Je retournai auprès du maréchal, qui ordonna aux divisions Meunier et Curial et aux batteries d'artillerie de la Garde de se transporter promptement au point que j’indiquais, et je fus chargé de montrer le chemin. Pendant ces allées et venues, un combat des plus meurtriers était engagé pour gagner enfin le plateau de Craonne, et déjà le maréchal Ney en atteignait la crête, lorsque nous débusquâmes sur le flanc de l'ennemi avec notre artillerie, ce qui détermina sa retraite. Cependant, sur le champ de bataille, un grand ravin nous séparait encore du gros des Russes : il fallut à notre brave armée des efforts incroyables pour marcher

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