Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

1814 — PREMIÈRE RESTAURATION 253

disant : « Qu'importe? Qu'importe? » Il s’enfuit; on ouvrit les rangs devant lui et il alla prendre place dans une autre partie du salon, où de nouveaux groupes l’entourèrent.

Cependant, nous ne tardâmes pas à voir que notre position sociale était altérée. Lors des présentations, qui avaient lieu tous les dimanches, après la messe, chez le roi et chez chacun des princes, lorsque l'officier de service prononçait les noms et les titres de quelqu'un de nous, à peine obtenait-il un coup d'œil et jamais une marque de simple politesse. Mais si, par derrière, se trouvait un homme de petite noblesse, nouvellement couvert d’un uniforme loué et d’épaulettes à grosses graines d’épinards d'emprunt, il était caressé, fêté; on lui serrait la main en répétant : « Celui-là est un des nôtres et nous en avons bon nombre. »

Il est constant qu'à cette époque on employait tous les moyens pour avilr notre vieille gloire, qui était pourtant l'honneur national. La croix de Saint-Louis était la seule décoration que l’on vit avec plaisir; une croix d'honneur, qui n’était point accolée à la croix de Saint-Louis, était un titre de réprobation. Mme la maréchale se rendait même quelquefois au palais; mais elle n'y était pas reçue avec tous les égards dus à son rang.