Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

ÉCOLE DE METZ. — CAMP DE BOULOGNE 21

sous-lieutenant au 10° chasseurs. La querelle avait commencé par une mauvaise plaisanterie que j'avais faite. Je portai à Démine un coup de sabre qui faillit lui enlever le bras. Dans cette affaire, d’Astorg était mon témoin.

Les maîtres d'armes s’instituaient juges du point d'honneur entre les soldats. Au-dessus de toute autorité, ils jouissaient d’une haute réputation et faisaient eux-mêmes la police de leurs corps respectifs. Ils ne souffraient pas qu’un conscrit compromît l'honneur du régiment en se battant contre un bon tireur, et ils désignaient le soldat capable de répondre à force égale. Lorsqu'une discussion survenait entre deux militaires de divers corps, le maître d'armes présidait au combat, et le soldat qui succombait était relevé par un autre du même régiment, désigné par le maître. De cette manière, il y avait toujours du sang à venger; ces combats étaient interminables. Le maître d'armes de ma batterie s'appelait Sans-Gêne; ses collègues portaient des noms du même genre; ils se battaient sans cesse entre eux. Ces combats devinrent tellement insupportables que le commandant en chef crut devoir faire une proclamation dans laquelle il rappelait aux soldats qu’ils devaient s’estimer, s'aimer et réserver leur courage pour l’ennemi; qu'ils étaient tous reconnus pour braves et qu'ils ne devaient point se mesurer les uns contre les autres. Je fus chargé de lire aux corps, environnant ma batterie, cette proclamation, qui n’eut pas