Souvenirs militaires d'Octave Levavasseur, officier d'artillerie, aide-de-camp du maréchal Ney (1802-1815) : un officier d'état-major sous le 1er Empire

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La destruction d’un homme ne s’accomplit pas sans un déchirement instinctif chez ceux qui en sont témoins, chez ceux même qui en sont les auteurs : à l’homme qui tombe se rattachent mille idées de tristesse, de désespoir et de regrets. Mais peu à peu, cette idée disparaît et, quand ilne s’agit plus d’un seul individu mais de cent et de mille, l'âme devient de moins en moins affectée : il se forme en quelque sorte une espèce de calus sur elle; bientôt même elle s’exalte et s’élève en présence de ces grandes catastrophes, et elles n’apparaissent plus qu'avec les couleurs de la gloire, de la puissance et de la majesté. À Memmingen, nos soldats étaient tellement avides de se battre que l'ennemi fut chargé et enfoncé sans pouvoir opposer de résistance : notre impétuosité aurait désiré pourtant rencontrer un obstacle.

Ce fut à Memmingen aussi que se présenta l'occasion de montrer à mes soldats que je ne craignais pas l'ennemi. Étant en batterie en avant de la place, nous fûmes chargés par la cavalerie autrichienne; une de mes pièces fit long feu; l'étoupille brûlait et le coup ne partait pas; tous les servants se rangèrent à droite et à gauche, suivant l'usage, pour laisser partir la pièce. Impatient de ces retards, je franchis le rang et allai moi-même retirer l’étoupille en feu sur la cheminée du canon; on en mit sur-le-champ une autre et le coup partit. J'étais tout fier d’avoir pu montrer ainsi ma résolution. Plus tard, lorsqu'il