Sur un portrait inédit de Naundorff : (1832)

12 SUR UN PORTRAIT INÉDIT DE NAUNDORFF

* En somme, on trouve dans cette miniature assez de traits identiques à ceux que les peintres et graveurs prêteront ensuite à Naundorff pour que l'identification ne soit pas contestable. Mais on y relève aussi assez de détails caractéristiques, qui manqueront plus tard, pour que le maquillage postérieur devienne évident. Ainsi, la gravure de Scriven, que nous reproduisons également et qui, exécutée d'après le portrait de Lecourt, figure au frontispice de l’Abrégé des infortunes du dauphin (Londres, 1836), montre bien, chez Naundorff, ce front découvert et pointu, ce sourcil arqué, ces cheveux aux frisures erépues, ce menton à fossette, ces yeux petits (quoique un peu plus grands). Mais le visage est devenu plus français, plus aristocratique, plus fin. Le nez, maintenant, se fait presque mince, l’œil fixe a pris de la majesté, les ailes du nez sont beaucoup moins fortes, la bouche se rétrécit. Nous n'avons plus affaire au fiks d’un marchand de chevaux allemand !. Naundorff ne ressemble plus à un lourdaud cabotin de barrière, mais à un acteur de théâtre subventionné. Où est l’escroc vulgaire de province ou de frontière, opérant tout seul? Saluez, messieurs : voici maintenant un chef de bande, entouré « d’inirigants qui lui soufflent son rôle ? ». Avant de devenir l'inventeur, qui s’occupera de balistique, Naundorff est déjà le mystique fondateur de secte, qui escompte les bénéfices de ses visions.

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Si, d’ailleurs, la première miniature de Naundorff diffère du ou des portraits de Lecourt, elle diffère bien davantage encore du visage qu'aurait eu le dauphin véritable vivant à cette époque. C’est folie pure que de trouver à celte effigie une ressemblance quelconque avec Louis XVI ou Marie-Antoinette. Il y a, de plus, impossibilité à y retrouver les traits connus de Louis XVII.

4° Louis XVII, on ne le répétera jamais trop, avait les cheveux blonds et lentement ondulés (voir les portraits de M"° VigéeLebrun, de Kucharsky, de Stroehling *, de Dumont, etc.). Naundorff a les cheveux noirs (grisonnants) et crépus.

2 Louis XVII avait de grands yeux, on peut même dire de

1 Le véritable père de Naundorff exerçait cette profession. — Quand cet article paraîtra, l'identité réelle du faux dauphin aura sans doute été révélée par M. G. M. qui a su la découvrir. (P.-S. — Voy. le Journal des Débats du samedi 25 mars 1911. Naundorff s'appelait en réalité CarlBenjamin Werg, né à Halle le 3 maï 1771.)

2 Dupré-Lasale, réquisitoire de 1851.

3 Voy. dans les Mémoires concernant Marie-Antoinette, de Joseph Weber (Londres, 1804, t. Ier, p. 404-405), la gravure de Schiavonetti faite d'après ce portrait.