Sur un portrait inédit de Naundorff : (1832)

SUR UN PORTRAIT INÉDIT DE NAUNDORFF 7

Louis XVII avait dû rédiger un récit autographe de ses aventures. On y lisait : « Les boucles brun noir (die schwarzbraunen Locken) qui pendaient agréablement sur mes épaules ne poussèrent . jamais plus, mais ma chevelure se roula par la suite touffue et serrée. » Brun noir, c'est dit. Et c’est si bien dit, le texte est si cruellement embarrassant, la maladresse de Naundorff si désastreuse, que, des deux versions naundorffistes, — également honnêtes, — l’une s’est résolue à supprimer nettement l'épithète, l’autre a jugé préférable et plus consciencieux d’y substituer le terme châtain clair‘.

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Quand on connaît ces häbitudes de « truquage », on ne saurait se juger trop heureux de pouvoir étudier la question de la «ressemblance.» sur un portrait authentique? de Naundorff remontant à 1832, c’est-à-dire à l’époque même où le faux dauphin se détermine à quitter sa femme et ses quatre enfants pour aller solliciter en France le témoignage de quelques bonnes âmes et de plus nombreux chevaliers d'industrie. É

La miniature, dont nous donnons ici la reproduction en photogravuré, a été remise ou envoyée à Charles X lui-même, et est demeurée envéloppée jusqu’à ce jour dans la propre lettre de Jeanne Naundorff, que nous citons plus haut. C’est sur cette lettre que le vieux roi, d’une écriture mollement dédaigneuse, a laissé tombér ces mots indifférents : Poréroit d’un des Louis XVII.

Portrait d’un des Louis XVII! voilà bien l’effet que produisait alors sur la famille royale l’un dés trente ou quarante héritiers de Louis XVI. La légende a, depuis lors, prodigieusement grossi les incertitudes des princes sur le point de la « survivance ». Charles X se souciait « des Louis XVII » autant que de cela!

Ajoutons que le portrait, enveloppé dans une lettre d'octobre 1839, est bien de 1832 ou, tout au plus, de janvier 1833. A l’époque de son séjour en Suisse, Naundorff avait, en effet, des portraits à distribuer. Il se posait déjà en roi:

J'ai abandonné ma femme ei mes enfants, écrivait-il, pour sauver mes amis et tout, qui seraient perdus à jämais sans moi. Ainsi, je viendrai sauver la France à quelque prix que ce soit #. J'ai eu beaucoup de peine à m'y résoudre, car je n’ai pas de quoi, mais Dieu me conduira.

Je viendrai.

Lovis-CHARLES #.

‘ Voir l’article de M. Gustave Bord dans la Libre Parole du 20 février 1911.

2 Et fourni par lui-même.

3 Charmant, ce mot.

4 Inédit. Manuscrits Albouys, t. [°r, p. 108.