Trois amies de Chateaubriand
MADAME RÉCAMIER 445
que jadis et, en tout cas, moins belle aux yeux frivoles de René, écrivit à son amie la duchesse de Duras : « Parlez de moi’ quelquefois! Que je ne sois ni trop méconnue, ni trop oubliée! Si notre ami peut conserver mon souvenir, je suis sûre qu’il me plaindra et aimera ma mémoire. » La lettre est jolie, d'un ton simple, d’un sentiment frémissant et doux.
Dans le passage des Mémoires d’outre-tombe que Sainte-Beuve a recueilli, ces mots :«Que de malhéurs ont suivi ce mystère! le soleil les éclaire encore! » veulent dire qu’à la date où Chateaubriand écrivait ces lignes de tristesse, Mme de Mouchy vivait encore. Et puis : « La raison que je conserve me les rappelle. » La raison que je conserve est une allusion à l'événement terrible, un poignant rébus et dont voici la traduction : Mme de Mouchy était folle.
Était-elle devenue folle par le chagrin d’amour? Il est bien difficile de le dire. Mais enfin, voici la lettre que, le 20 septembre 1817, Mme de Duras adressait à son amie Mme Swetchine : « Je vous ai montré des lettres de ma pauvre amie Vous avez admiré avec moi la supériorité de son esprit, l’élévation de ses sentiments et cette“délicatesse, cette fierté blessée, qui depuis si longtemps empoisonnait sa vie, car il n’y a pas de situation plus cruelle, selon moi, que de valoir mieux que sa conduite. » Pourtant, ces deux amies continuaient à se voir; et puis, voici Mme de Duras qui juge Mme de Mouchyÿ avec une indulgence bien sévère. Ces jeunes femmes de la Restauration nous étonnent un peu, il me sem-
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