Trois amies de Chateaubriand

152 TROIS AMIES DE CHATEAUBRIAND

Juliette en 1814, les Souvenirs du chevalier de Cussy nous permettent de l’entrevoir. C’est alors qu’il lui fut présenté, par le duc de Guiche, chez le duc de Gramont. Il y avait auprès d’elle Mme de Duras; et, plus tard, quand il rédige ses Souvenirs, Cussy s'amuse de penser qu’étaient ainsi en aimable voisinage « les deux femmes qui devaient avoir le plus d'influence sur M. de Chateaubriand ». Il est vrai : les diverses tendresses de René circulent, s’éloignent, se rapprochent les unes des autres et ont, en quelque manière, des conjonctions analogues à celles des astres : on les dirait semblablement réglées et ordonnées selon des lois indifférentes et souveraines qui font de belles et amusantes lignes.

Juliette, en 1814, a trente-sept ans; elle va les avoir. Elle est « la personne la plus célèbre de Paris ». Une admirable renommée de beauté l’environne; mais on la trouve plus belle encore que sa renommée. Et l’on raconte qu'elle a toujours été vertueuse. Même, on assure qu’il faudrait l'appeler « mademoiselle »; les méchants affirment que ce n’est pas sa faute et ils chuchotent on ne sait quoi d’anatomique. L’éblouissante vierge est «mangée des yeux » par le duc Mathieu de Montmorency, vertueux, guindé, fort épris. Le duc de Guiche est si enthousiaste qu'il veut « faire partager son culte à tout le monde ». Il prend Cussy par le bras et le mène vers san idole; mais Cussy, intimidé, s’esquive : il n’est qu’ « un pauvre garde du corps » et il redoute ia