Trois amies de Chateaubriand

MADAME RÉCAMIER 153

«reine de Paris», qu’une cour assidue et respectueuse entourel,

1 y a bien, de temps en temps, quelques restrictions malignes à un tel hommage universel. Ainsi, la spirituelle Mme de Gérando, « excellente » pourtant, dit de Juliette : « Au physique, c’est une créature idéale; au moral, une brave petite femme d'assez agréable conversation’. » N'importe! la royauté de Juliette est maintenant bien établie.

Donc, en 1814, Chateaubriand revit Mme Réca- . mier. Mais il ne sut pas encore qu'il aimerait et qu’elle, divinité marmoréenne, serait un jour amoureuse de lui.

Ils devaient, l’un et l’autre, attendre encore trois années cette information gracieuse. Avant cela, ils se rencontrèrent encore une fois, en 1817, l’année même où Blanca fut prise de son délire.

Ils se rencontrèrent, comme en 1801, chez Mme de Staël. Cependant, l'amitié des deux femmes avait, dans l’intervalle, failli se rompre, à cause de Prosper de Barante, lequel, aimé de Mme de Staël, aimait Mme Récamier. Mme de Staël savait bien que sa coquette et pure amie n’aimait point Prosper de Barante; mais elle lui reprochait de ne l’éconduire qu'avec une douce lenteur. Prosper écrivait à Juliette ; il lui recommandait de ne pas montrer ses lettres à Corinne : «elles lui feraient peut-être de la peine... » Sentiment délicat; et puis : «elle y verrait que j'ai

1. Souvenirs du chevalier de Cussy, tome I, p. 50 et 51. 2. Id., tome I, p. 8.