Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

VIE DE SOCIÉTÉ ET DE FAMILLE. 299

s'éprend pas pour des pierres et des rochers, on en trouve partout ; ce sont ceux qui y vivaient avec moi qui font le charme du paysage que j'aime à revenir habiter avec eux, et malgré vos injustices, Vous êtes sûrement l’objet que j'aime le plus à y retrouver.

« Si vous pouviez voir mon cabinet, vous pourriez juger par cela seul du cœur de celui qui l'habite. Tout ce qui peut me ramener au pays que j'ai vu mourir y est rassemblé, le dessin de mes châteaux, mille choses enfin qui m'en ont été envoyées avant qu'elles disparussent. Voilà ce qui compose le mobilier du lieu où j'aime à venir me renfermer ef aviver mes réminiscences. Dans ce cabinet il ne tiendrait qu'à vous seul d'y embellir mon existence... Accordez-moi votre portrait, mais bien ressemblant. Je voudrais pouvoir penser que vous verriez le mien avec plaisir : combien je serais content de le mettre à vos pieds! »

De sa mère il recevait aussi régulièrement des nouvelles. Celle-ci, rentrée en France dès 1797, vivait dans la retraite à Montpellier auprès de ses sœurs Mmes de Boucaud et d’Axat. Les lois contre l'émigration lui avaient valu quelques débris de la fortune de son fils; et ces débris, elle essayait de les accroître au profit du premier propriétaire. Ses lettres, écrites souvent dans la langue énigmatique familière aux émigrés, monotones d’expression, horriblement incorrectes par le style et l’orthographe, révèlent néanmoins dans leur auteur une femme pleine d'autorité, de cœur et de sens pratique. À côté de détails sur les biens recouvrés en Vivarais, sur les domaines à faire valoir et les réparations à opérer, elle jette pêle-mêle les tendres reproches, les conseils prudents, les expressions de sa résignation chrétienne devant l’avenir incertain pour ceux qu'elle chérit, et devant la mort