Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

300 CHAPITRE SEPTIÈME.

qui s'approche pour elle. Cette femme d'une grande piété et d'une grande sévérité de mœurs gardait la bonne moitié de ses pensées pour ce fils condamné à un perpétuel exil, sur lequel elle avait déjà eu tant à gémir.

Elle avait appris son mariage par le publie, ce qui avait été pour elle une humiliation et un soulagement (1). L'humiliation subie, elle ne pensait plus qu’au bonheur d’une famille qui était la sienne. Pour sa belle-fille, elle a toujours dans ses lettres quelques mots qui trahissent de sa part une secrète victoire sur l’amour-propre; elle tenait à ne pas froisser la compagne légitime de son fils, la mère d’un enfant destiné à perpétuer sa race. Elle eût voulu voir Jules d’Antraigues avant de mourir, et il avait été question pour elle, en 1801, d'un voyage à Vienne. Puis ce fut la Saint-Huberty qui dut amener l'enfant en France, avec un passeport obtenu à Vienne par l’entremise attentive et discrète de Jean de Müller et de Champagny. Ce projet fut abandonné, soit que d’Antraigues hésitàt à se séparer de son fils, soit qu'il craignit de la part des siens quelque procédé désobligeant pour sa femme (2).

Mme d’Antraigues écrivant à son fils dépensait en sermons son inaltérable tendresse, comme ailleurs en services pratiques. Elle ne paraît pas avoir jamais cru aux profondes convictions de l’émigré transformé dans certains de ses écrits en Père de l’Église. Elle l’exhortait au respect envers le Saint-Siège, malgré le Concordat conclu avec Bonaparte; elle continuait à lui souhaiter la foi, et plus encore que la foi, l'humilité et la charité. La pensée

(1) Lettre du 2% décembre 1799. (2) D’Antraigues à Czartoryski, 2 mars 180%. (A. F., France, vol. 633, £ 36.)