Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

LE XVIII® LIVRE DE POLYBE (1805). 305

ont faites, avec la différence que la mort de ces reptiles guérit la blessure et que la perte de la Prusse ne nous guérira de rien (1).» La cour de Berlin était alors disputée entre deux tendances : l’une hostile par sentiment, l'autre sympathique par intérêt à la France, et elle refusait SON appui armé à la coalition européenne, dans l’espoir de se faire payer sa neutralité par le Directoire. Depuis, elle avait continué ce jeu ; deux de ses principaux hommes d'État, Lombard et Haugwitz, estimaient un agrandissement pacifique du royaume possible, de compte à demi avec la France.

À Paris, l'alliance prussienne avait, comme au temps du cardinal de Fleury, des partisans résolus : et longtemps après encore il s’est trouvé des historiens français pour en vanter la haute utilité, et pour regretter que la monarchie de Frédéric et l'empire napoléonien n’aient point prétendu de concert à la suprématie du continent (2). Talleyrand seul, que hantaient les souvenirs de l’ancienne cour, penchait vers un renouvellement, approprié aux circonstances, de l'alliance autrichienne. On lui attribuait cette parole en 1803, au moment où Lombard venait à Bruxelles tenter le Premier Consul : « La Prusse sera dégraissée, puisque trop d'embonpoint la rend trop drue. »

L’exécution du due d'Enghien rejeta subitement le cabinet de Berlin du côté de la Russie ; ces deux puissances se lièrent l’une à l’autre sous certaines conditions par la double déclaration du 24 mai 1804. Ainsi furent posées Les premières bases de la troisième coalition : toutefois, plus de deux années devaient s’écouler avant l’avè-

(1) D'Antraigues au cardinal Maury, 6 février 1798. (2) Tuiers, Histoire du Consulat et de l'Empire, liv. XIX.