Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

305 CHAPITRE SEPTIÈME.

nement du ministre Hardenberg et la déclaration de guerre à la France. D'Antraigues, après s'être employé à la réconciliation de lAutriche et de la Russie, allait maintenant travailler à rallier à ces deux puissances la Prusse, et, s’il était possible, les États secondaires de l'Allemagne (1). Agent officieux, il ne tenait poinl les fils des négociations, mais à Dresde il était placé à souhait pour les embrouiller et les serrer en nœuds indestructibles.

Sous un titre habilement choisi d'historiographe, Müller travaillait dans le même sens à Berlin. Censuré ostensiblement pour ses livres à Vienne, sans aucun rapport avec l'envoyé autrichien Metternich, tout entier en apparence à l'étude et à l'exaltation des souvenirs du grand Frédéric, il ne laissait pas de miner l'influence des ministres pacifiques, de pousser le roi par insinuation dans une politique antifrançaise ; il lui rédigeait même des consultations politiques en réplique aux mémoires de Lombard, qu'il faisait passer par Hardenberg, et allait voir Mme de Souza, de passage à Berlin, dans l'espoir de tirer d’elle quelques nouvelles utiles. Plus peureux encore que vaniteux, n'ayant de force que dans l'esprit, ce lettré famélique faisait alors étalage de ses principes, jurait de les défendre jusqu’à la mort, et proclamait qu'il aimerait mieux vivre à Astrakhan que sous le sceptre de Bonaparte (2). Ses conseils, appuyés de bien d'autres, finirent

(4) D'Antraigues à Cobenzl, 5 avril 1805. (A. V.)

(2) Lettre du 9 novembre 180%. — D'autre part, il écrivait à d’Antraigues ces mots, qui laissaient prévoir son changement de parti: « L'empereur Bonaparte ne laisse pas de se concilier beaucoup de suffrages, parce qu'il y à si peu de ressources dans l’autre parti qu’enfin l'on préfère de s'attacher à celui qui prend et qui peut donner, plutôt qu'à ceux qui se laissent prendre tout ce qu'ils ont. » (13 septembre 1804.)