Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

LE XVIII‘ LIVRE DE POLYBE (1805). 307

par tenter la Prusse, et l'ambassadeur russe Alopéus put, dès le commencement de 1805, annoncer à d’Antraigues les bonnes dispositions de la cour de Berlin.

Pendant toute cette année, les voyages diplomatiques se succédèrent, plus ou moins secrets, plus ou moins efficaces. De Pétersbourg à Berlin viennent Winzingerode et Novosiltsov, de Pétersbourg à Vienne Dolgorouky. De Berlin Zastrow va à Pétersbourg, Lombard à Vienne. Novosiltsov attendit en Prusse le moment d'aller tenter auprès de Napoléon cette fameuse mission médiatrice qui n’était qu'un ultimatum déguisé. D'Antraigues fut chargé par Alexandre de composer un mémoire destiné à servir d'instruction sur divers points à Novosilisou : mais tout comme Czartoryski, qui lui en faisait franchement confidence, il ne eroyait pas au succès : « Si on veut, disait-il, le forcer (Napoléon) à entendre raison, il y à illusion sur les choses, et illusion sur les personnes ; illusion sur les choses, parce que ce qu’on lui demande renverse tout son système de politique, coupe les nerfs de son existence et de ses moyens, el l'oblige à des sacrifices qui doivent avec son caractère lui paraître l'impossible absolu : illusion sur les personnes, parce que Novosiltsov, quel qu’il soit, n’est pas en état de persuader Bonaparte ni de discuter avec son conseil Talleyrand (1). »

Sa correspondance continuait avec Vienne, mais elle languissait fort, au moins du côté de Cobenzl, car depuis l'arrangement conclu avec la Russie, d'Antraigues sollicitait sans cesse des réponses toujours ajournées ou éludées ; et les lettres qu'il recommandait de brüler étaient jetées dédaigneusement dans le sépulcre des archives, où on les retrouve encore. C'était en vain qu’il dénonçait

(1) D'Antraiques à Cobenzl, 31 mai 1805. (A. V.)