Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

LE XVIII® LIVRE DE POLYBE (1K05). 309

avec une violence que le temps n'avait pas amortie. Puis ce dernier disserta sur la situation de l'Europe, plaçant tout l'espoir de son parti dans l’armée et la nation prussiennes. Finalement, il donna à son interlocuteur une lettre de recommandation pour Novosiltsov. Fauche devait en user pour remettre trois notes où il apportait sous certaines conditions le concours du général Moreau à la coalition. On sait comment la Russie, six ans plus tard, accepta, employa et perdit en peu de jours le transfuge qui dès 1806 s'offrait à elle.

Dans le courant de 1805, deux anciens chefs vendéens, deux lieutenants de Charette, Suzannet et d'Andigné, vinrent frapper à la porte de d'Antraigues. D'Andigné, ancien correspondant de l'agence Brotier, avait été récemment en relation avec Fouché, qui dès lors se faisait valoir auprès de tous les partis, et il produisait des notes à lui écrites par ce Montgaillard de haute volée. D'Andigné et Suzannet venaient seulement s'informer des dispositions de l'Allemagne et de la Russie; non pas qu'ils comptassent sur l'étranger pour faire triompher leur cause, car ils se disaient capables de détruire Bonaparte après l'avoir élevé et soutenu, et cela en dehors de toute ingérence étrangère (1).

Mieux que ces revenants, représentants d'une faction clandestine sans organisation réelle, sans espérances immédiates, d'Antraigues appréciait les interprètes de la politique belliqueuse alors en passe de l'emporter à Berlin. Le ministre prussien à Dresde avait eu jadis ordre de le ménager, mais de ne le voir qu’en cachette; maintenant il lui demandait une entrevue, et lui faisait connaître des pièces, des conversations ayant trait à la

(1) Note à Vansittart. (B. M., Add. mss. 31230, 154.)