Un agent secret sous la révolution et l'empire : le Comte d'Antraigues

312 CHAPITRE SEPTIÈME.

çaise. D'Antraigues s'avisa de choisir Polybe pour interprète de ses rancunes et de ses espérances politiques, et voici la fiction qu'il imagina.

Dans sa jeunesse il avait visité les couvents grecs de l'Orient, à la recherche des manuscrits précieux ; il était vraisemblable qu'il fût allé au mont Athos, avec deux voyageurs célèbres d’Ansse de Villoison et Savary, y eût découvert et acheté à grand’peine un fragment du XVIII: livre perdu de Polybe. Il traça donc un soi-disant tableau d'histoire grecque qui nous semble, l'ingéniosité des allusions mise à part, un chef-d'œuvre de pédantisme. Cet ouvrage met en scène d'une part les Romains (Français), d'autre part les Macédoniens (Autrichiens) et les Syriens (Prussiens), ceux-ci à la veille de la guerre qui doit décider de leur délivrance ou de leur asservissement complet. Dans le conseil d’Antiochus (FrédéricGuillaume), Polycrate (Lombard) recommande assez faiblement un système de temporisation et de neutralité, et veut se persuader que les forces des Romains s’useront d’elles-mèmes. Callisthène (Hardenberg), au contraire, parle énergiquement dans le sens de la guerre et appelle à son aide, par une prosopopée imitéé de Rousseau, le fondateur de la monarchie : « Et toi, Nicanor (Frédéric le Grand), si ta grande âme, etc. » Annibal, qui représente les idées personnelles de l’auteur, invoque moins les intérêts du pays où il a trouvé asile que la haine légitime et universelle contre les oppresseurs du monde. Il stigmatise la politique insatiable et perfide du Sénat (Convention) : « Rome vous haït tous également, s'écriet-il, apprenez enfin à haïr Rome » ; et aux vaincus de la veille, aux combattants du lendemain, il montre dans le lointain comme des auxiliaires invincibles Arsace et ses